La shérardisation est un procédé de traitement de surface innovant qui offre une protection anticorrosion exceptionnelle pour les pièces métalliques. Inventée au début du XXe siècle par Sherard Cowper-Coles, cette technique thermochimique a révolutionné la manière dont nous protégeons les métaux contre les agressions environnementales. La diffusion du zinc dans le substrat métallique crée un revêtement uniforme et résistant, particulièrement adapté aux pièces de formes complexes ou difficiles d’accès. Aujourd’hui, la shérardisation trouve sa place dans de nombreux secteurs industriels exigeants, où la fiabilité et la durabilité des composants métalliques sont primordiales.
Principes chimiques et métallurgiques de la shérardisation
La shérardisation repose sur un phénomène de diffusion à l’état solide entre le zinc et le fer. Ce processus se déroule à une température d’environ 400°C, bien en dessous du point de fusion du zinc (419°C). À cette température, les atomes de zinc deviennent suffisamment mobiles pour pénétrer la surface du métal ferreux, créant ainsi un alliage zinc-fer. Ce mécanisme de diffusion est fondamentalement différent des autres procédés de zingage, tels que la galvanisation à chaud ou l’électrozingage.
Le résultat de cette diffusion est la formation de deux couches distinctes d’alliage fer-zinc :
- Une couche gamma, diffusée en profondeur, contenant 21 à 28% de fer
- Une couche delta, plus compacte, renfermant 8 à 10% de fer
Cette structure en couches confère au revêtement shérardisé des propriétés uniques. La couche gamma assure une adhérence exceptionnelle au substrat, tandis que la couche delta offre une dureté et une résistance à l’abrasion supérieures. L’ensemble forme un revêtement métallurgiquement lié au métal de base, garantissant une protection durable contre la corrosion.
Étapes du procédé de shérardisation industrielle
Le processus de shérardisation industrielle se décompose en plusieurs étapes clés, chacune contribuant à la qualité finale du revêtement. Examinons en détail ces étapes pour comprendre comment ce traitement de surface est réalisé à l’échelle industrielle.
Préparation des pièces métalliques par grenaillage
Avant le traitement proprement dit, les pièces métalliques subissent une préparation de surface minutieuse. Le grenaillage est la méthode privilégiée pour cette étape cruciale. Des particules abrasives sont projetées à grande vitesse sur la surface des pièces, éliminant ainsi les impuretés, la rouille et les oxydes. Ce procédé crée également une rugosité microscopique qui favorisera l’adhérence du revêtement de zinc. Dans certains cas, un décapage chimique peut précéder ou compléter le grenaillage pour assurer une surface parfaitement propre et réactive.
Chauffage et mise en rotation du tambour shérardiseur
Une fois préparées, les pièces sont introduites dans un tambour rotatif appelé shérardiseur
. Ce tambour est chargé avec un mélange de poudre de zinc et d’un matériau inerte, généralement du sable. Le tambour est ensuite fermé hermétiquement et mis en rotation lente. Simultanément, il est chauffé progressivement jusqu’à atteindre la température de traitement, typiquement entre 380°C et 400°C. Cette rotation continue assure une répartition uniforme de la poudre de zinc sur toutes les surfaces des pièces, y compris dans les recoins et les cavités.
Diffusion du zinc en phase vapeur dans le substrat
À la température de traitement, le zinc ne fond pas mais se sublime partiellement. Les atomes de zinc en phase vapeur sont alors en mesure de pénétrer la surface du métal ferreux par diffusion. Ce processus de diffusion est au cœur de la shérardisation . Il permet la formation progressive des couches d’alliage zinc-fer caractéristiques du revêtement shérardisé. La durée du traitement, généralement de plusieurs heures, détermine l’épaisseur finale du revêtement et peut être ajustée selon les spécifications requises.
Refroidissement contrôlé et post-traitement
Après la phase de diffusion, le tambour est refroidi de manière contrôlée. Ce refroidissement progressif est essentiel pour préserver l’intégrité du revêtement nouvellement formé. Une fois refroidies, les pièces sont extraites du tambour et peuvent subir divers post-traitements. Une passivation sans chrome VI est couramment appliquée pour renforcer encore la résistance à la corrosion. D’autres finitions, telles que des revêtements organiques ou des lubrifiants secs, peuvent être ajoutées selon les exigences spécifiques de l’application finale.
La maîtrise de chaque étape du procédé de shérardisation est cruciale pour obtenir un revêtement de haute qualité. La précision du contrôle de la température, la composition du mélange de poudre et la durée du traitement sont autant de paramètres qui influencent directement les propriétés du revêtement final.
Caractéristiques et propriétés du revêtement shérardisé
Le revêtement obtenu par shérardisation présente des caractéristiques uniques qui le distinguent des autres traitements de surface au zinc. Ces propriétés font de la shérardisation une solution de choix pour de nombreuses applications industrielles exigeantes.
Composition chimique des couches zinc-fer
La structure du revêtement shérardisé se compose principalement de deux couches d’alliage zinc-fer :
- La couche gamma : riche en fer (21-28%), elle assure une liaison métallurgique forte avec le substrat
- La couche delta : plus riche en zinc (90-92%), elle offre une protection sacrificielle efficace
Cette composition graduelle confère au revêtement une excellente adhérence et une résistance remarquable à l’écaillage, même en cas de déformation mécanique de la pièce traitée. La transition progressive entre le substrat et le revêtement élimine les problèmes d’interface souvent rencontrés avec d’autres techniques de zingage.
Résistance à la corrosion en milieux agressifs
La résistance à la corrosion du revêtement shérardisé est exceptionnelle . Les tests en brouillard salin démontrent une tenue remarquable : jusqu’à 400 heures pour une classe 15 (épaisseur minimale de 15 µm) et 800 heures pour une classe 30 (épaisseur minimale de 30 µm). Cette performance est due à la combinaison de plusieurs facteurs :
- L’effet barrière physique du revêtement dense et uniforme
- La protection cathodique offerte par le zinc sacrificiel
- La stabilité des alliages zinc-fer formés lors du processus
Ces caractéristiques rendent le revêtement shérardisé particulièrement adapté aux environnements corrosifs, tels que les atmosphères marines, industrielles ou les sols agressifs.
Dureté et résistance à l’usure du revêtement
Un des atouts majeurs du revêtement shérardisé est sa dureté élevée. Avec une dureté superficielle pouvant atteindre 471 HV (Vickers), il surpasse largement les revêtements de zinc pur. Cette dureté confère au revêtement une excellente résistance à l’abrasion et aux rayures, prolongeant ainsi la durée de vie des pièces traitées dans des conditions d’utilisation sévères.
De plus, contrairement à certains traitements de surface, la shérardisation n’induit pas de fragilisation par l’hydrogène. Cela permet son utilisation sur des aciers à haute résistance sans compromettre leurs propriétés mécaniques, un avantage considérable pour les applications critiques dans l’aérospatiale ou l’automobile.
Applications industrielles de la shérardisation
La shérardisation trouve des applications dans de nombreux secteurs industriels où la protection contre la corrosion et l’usure est primordiale. Voici quelques domaines où ce procédé s’est imposé comme une solution de choix :
Boulonnerie et visserie : La shérardisation est particulièrement appréciée pour le traitement des éléments de fixation. Elle offre une protection uniforme, même sur les filetages, sans affecter les tolérances dimensionnelles. Les boulons et vis shérardisés conservent leur résistance mécanique, y compris pour les grades 10.9 et 12.9, tout en bénéficiant d’une excellente protection anticorrosion.
Industrie automobile : De nombreux composants automobiles, tels que les éléments de suspension, les pièces de châssis ou les composants de freinage, bénéficient de la shérardisation. Le revêtement résiste aux projections de gravillons et aux environnements routiers agressifs, prolongeant ainsi la durée de vie des véhicules.
Équipements maritimes et offshore : Dans ces environnements extrêmement corrosifs, la shérardisation protège efficacement les structures métalliques, les équipements de pont et les composants sous-marins. Sa résistance à l’eau de mer et aux atmosphères salines en fait un choix privilégié pour l’industrie navale.
La shérardisation s’impose comme une solution de protection anticorrosion de pointe dans des secteurs où la fiabilité et la durabilité sont essentielles. Son adoption croissante témoigne de ses performances exceptionnelles face aux défis industriels les plus exigeants.
Le bâtiment et le génie civil bénéficient également de la shérardisation pour les armatures, les ancrages et les éléments de structure exposés à des conditions difficiles. La durabilité du revêtement contribue à prolonger la vie des ouvrages et à réduire les coûts de maintenance.
Dans l’industrie ferroviaire, la shérardisation protège les composants des voies, les éléments de signalisation et les pièces mécaniques des wagons. La résistance à l’usure et aux vibrations du revêtement shérardisé est particulièrement appréciée dans ce secteur.
Comparaison avec d’autres procédés de zingage
Pour bien comprendre les avantages spécifiques de la shérardisation, il est utile de la comparer aux autres procédés de zingage couramment utilisés dans l’industrie. Chaque technique a ses propres caractéristiques, avantages et limites.
Shérardisation vs galvanisation à chaud
La galvanisation à chaud est probablement le procédé de zingage le plus connu. Elle consiste à immerger les pièces dans un bain de zinc fondu à environ 450°C. Comparée à la shérardisation :
- La galvanisation à chaud produit généralement des revêtements plus épais (50-200 µm)
- Elle peut causer des déformations sur les pièces fines ou thermosensibles
- La shérardisation offre une meilleure uniformité d’épaisseur, notamment sur les pièces complexes
- Le revêtement shérardisé est plus dur et résistant à l’abrasion
La shérardisation se distingue par sa capacité à traiter des pièces plus délicates ou nécessitant un contrôle dimensionnel précis, tout en offrant une protection anticorrosion comparable ou supérieure pour des épaisseurs moindres.
Shérardisation vs électrozingage
L’électrozingage, ou zingage électrolytique, dépose une couche de zinc pur par électrolyse. En comparaison :
- L’électrozingage produit des revêtements plus fins (5-25 µm) que la shérardisation
- Le revêtement électrolytique est moins dur et moins résistant à l’abrasion
- La shérardisation offre une meilleure adhérence grâce à la diffusion du zinc dans le substrat
- L’électrozingage peut présenter des problèmes de répartition sur les pièces complexes
La shérardisation s’avère plus performante pour les applications exigeant une forte résistance à l’usure ou un traitement uniforme de pièces géométriquement complexes.
Shérardisation vs métallisation au zinc
La métallisation au zinc, ou projection thermique, consiste à projeter du zinc fondu sur la surface à traiter. Par rapport à la shérardisation :
- La métallisation permet des épaisseurs très variables (50-500 µm)
- Le revêtement métallisé est plus poreux et moins adhérent
- La shérardisation offre une meilleure pénétration dans les cavités et les recoins
- La métallisation peut être réalisée sur site, contrairement à la shérardisation
La shérardisation se distingue par la qualité métallurgique de son revêtement, offrant une protection plus durable et uniforme, particulièrement adaptée aux pièces de forme complexe.
<tr
</trProcédé | Épaisseur typique | Dureté | Adhérence | Uniformité |
---|---|---|---|---|
Shérardisation | 15-50 µm | Élevée | Excellente | Très bonne |
Normes et contrôle qualité du procédé de shérardisation
La shérardisation, comme tout procédé industriel, est soumise à des normes strictes qui garantissent la qualité et la fiabilité du traitement. La norme principale régissant ce procédé est la NF EN 13811, qui spécifie les exigences pour les revêtements de zinc obtenus par shérardisation sur les produits ferreux.
Cette norme définit notamment :
- Les classes d’épaisseur de revêtement (15, 30 et 45 µm)
- Les méthodes de contrôle de l’épaisseur du revêtement
- Les exigences de qualité de la poudre de zinc utilisée
- Les critères d’adhérence et d’uniformité du revêtement
Le contrôle qualité du procédé de shérardisation s’effectue à plusieurs niveaux :
Contrôle des matières premières
La qualité de la poudre de zinc est primordiale pour obtenir un revêtement performant. Des analyses granulométriques et chimiques sont régulièrement effectuées pour s’assurer que la poudre répond aux spécifications de la norme.
Suivi des paramètres de traitement
Pendant le processus de shérardisation, plusieurs paramètres sont contrôlés en continu :
- La température du tambour
- La vitesse de rotation
- La durée du traitement
- La composition de l’atmosphère dans le tambour
Ces contrôles permettent d’assurer la reproductibilité du traitement et la conformité aux exigences de la norme.
Contrôle des pièces traitées
Après traitement, des échantillons représentatifs sont prélevés pour vérifier :
- L’épaisseur du revêtement (par méthode magnétique ou coupe métallographique)
- L’adhérence du revêtement (test de pliage ou de choc)
- L’aspect visuel (uniformité, absence de défauts)
- La composition chimique du revêtement (par spectrométrie)
Ces contrôles rigoureux garantissent que chaque lot de pièces shérardisées répond aux spécifications techniques et aux exigences de qualité du client.
La certification ISO 9001 des entreprises pratiquant la shérardisation est un gage supplémentaire de la maîtrise du procédé et de l’engagement dans une démarche d’amélioration continue de la qualité.
En plus des normes spécifiques à la shérardisation, ce procédé peut également être soumis à des normes sectorielles plus larges, notamment dans l’automobile (IATF 16949) ou l’aérospatiale (EN 9100), qui imposent des exigences supplémentaires en termes de traçabilité et de contrôle des processus.
L’évolution constante des normes et des méthodes de contrôle reflète l’importance croissante accordée à la qualité et à la fiabilité des revêtements anticorrosion dans l’industrie moderne. La shérardisation, grâce à son cadre normatif solide et ses contrôles rigoureux, s’inscrit pleinement dans cette dynamique d’excellence et de performance.
Classe de revêtement | Épaisseur moyenne (µm) | Épaisseur minimale (µm) |
---|---|---|
Classe 15 | 20 | 15 |
Classe 30 | 40 | 30 |
Classe 45 | 55 | 45 |
Cette classification permet aux industriels de choisir le niveau de protection adapté à leurs besoins spécifiques, en fonction de l’environnement d’utilisation et de la durée de vie souhaitée pour leurs pièces.
En conclusion, la shérardisation, bien que moins connue que certains autres procédés de zingage, offre des avantages uniques en termes de protection anticorrosion, de résistance à l’usure et de préservation des propriétés mécaniques des pièces traitées. Son cadre normatif strict et ses contrôles qualité rigoureux en font une solution de choix pour les applications industrielles les plus exigeantes.